Anthony Hernandez

Sous la chaude lumière de la Californie qui invite à la douceur de vivre, parfois sur fond de végétation luxuriante, il se livre à une capture esthétique du réel, joue du chatoiement des couleurs, de la richesse des matières, non pour idéaliser la misère mais pour nous convier à reconsidérer ces restes, à les tirer de leur banalité et de leur insignifiance.

Landscapes for the homeless

Urbi &Orbi 2008 – Vitrine du Conseil Général – Charleville-Mézières

Anthony Hernandez s’intéresse à tout ce que la société américaine abandonne ou décide d’ignorer : objets, bâtiments, paysages, lieux dissimulés constituent ainsi un portrait en creux de la société postmoderne. Avec Landscapes for the Homeless, l’une de ses premières séries réalisée dans les années 80, il recueille dans la banlieue de Los Angeles les traces fugitives et dérisoires que les sans-abri inscrivent dans ces lieux improbables que sont les terrains vagues, les bords ou les échangeurs d’autoroutes. Tous lieux échappant eux-mêmes à la classification normative et voués, comme leurs occupants, à l’ignorance et à l’oubli. En « archéologue de la précarité », ainsi que le qualifie Dominique Baqué, Hernandez exhume des témoignages de vie ou plutôt de survie : canettes, bouteilles, paquets de cigarettes, tissus, couvertures, tapis, cartons, rebuts de la consommation abandonnés par les rebuts de la société. Trace de ces traces, la photographie nous livre des bribes d’histoires personnelles et anonymes, sans début ni fin, indices de vies réduites à un pur présent parce qu’en rupture avec leur passé et dénuées de tout avenir.

Sous la chaude lumière de la Californie qui invite à la douceur de vivre, parfois sur fond de végétation luxuriante, il se livre à une capture esthétique du réel, joue du chatoiement des couleurs, de la richesse des matières, non pour idéaliser la misère mais pour nous convier à reconsidérer ces restes, à les tirer de leur banalité et de leur insignifiance. Anthony Hernandez se refuse au spectaculaire comme au pathos. Il ne rapporte que les murmures des sans-voix. L’émotion naît ici de la pudeur, de l’absence, devant ces legs que des anonymes nous adressent.

Jean-Christian Fleury

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