LES ARTISTES
FESTIVAL 2023

Sasha Anisimova

Depuis le printemps 2020, une graphiste ukrainienne se réapproprie sa ville à travers des illustrations délicates et frappantes à la fois. Sasha Anisimova a 30 ans et a dû fuir la ville de Kharkiv. Sur son compte Instragam aux lignes claires, la jeune femme partage son travail et son quotidien. À l’aide de sa tablette graphique elle apporte un peu de vie sur des photos de sa ville en ruines suite aux ­attaques et aux bombes.
Aujourd’hui, la graphiste est réfugiée à Tcherkassy, au sud-est de Kiev.

Avant la guerre, je dessinais des illustrations et des cartes postales familiales mais, maintenant, les thèmes de mes dessins ont changé à cause des évènements horribles affectant mon pays.
Mes illustrations sont très simples. C’est peut-être pour cela que tant de gens les comprennent. Il y a plus d’un an, la Russie a déclaré la guerre à mon pays. Nos villes sont en ruine, leurs habitants meurent. Dans le monde entier, des médias diffusent des photos de tués, de blessés, de gens souffrants, terrorisés et de villes détruites. Je sais que c’est difficile de prendre conscience de ce qu’il se passe dans un autre pays à travers des photographies, et c’est peut-être pour cela que beaucoup de gens pensent que certaines informations sont fausses.
Mes dessins traitent de la vie que nous avons perdue. Beaucoup d’Ukrainiens ont perdu des membres de leur famille, des amis proches, et c’est là une douleur effroyable, une perte inoubliable. Et tous les Ukrainiens sans exception ont été privés de leur vie normale.
J’ai utilisé des photographies de Kharkiv en ruine comme arrière-plan à mes illustrations ; elles dépeignent des activités banales de la vie quotidienne comme boire un café, promener le chien, prendre une douche, faire de la gym ou du yoga, toutes nos routines de chaque jour. Les silhouettes sont tracées au moyen de lignes toutes simples, parfois coloriées de teintes presque transparentes. Ce ne sont pas des fantômes, mes dessins ne représentent pas des morts, mais comme un rêve de normalité.
J’essaye de montrer les vies que nous avons perdues et que nous voulons récupérer.
Les Russes nous ont volé nos vies, mais ils ne peuvent nous voler notre énergie.

Bissane Al Charif & Mohamad Omran

Bissane Al Charif : Scénographe de spectacle et artiste d’installation. Elle a étudié l’architecture à l’Université de Damas et la scénographie à l’Ecole d’Architecture de Nantes. Elle a travaillé comme scénographe à l’Opéra de Damas, dans le cinéma et le théâtre. Elle vit en France depuis 2012 où elle travaille comme artiste indépendante et développe ses outils dans le domaine de l’art-média.
Mohamad Omran : Diplômé de la Facul­té des beaux-arts de Damas, Mohamad Omran commence une carrière de sculpteur. En 2007, il quitte la Syrie pour entreprendre un master puis une thèse en histoire de l’art à l’Université Lyon II. Expositions individuelles ou collectives : atelier La Façon à Lyon, Galerie Europia et Institut des Cultures d’Islam à Paris, La maison des arts à Malakoff, Le Rocher de Palmer à Bordeaux, Forum Factory à Berlin, Art on 56th à Beyrouth…
Ils ont réalisé à deux la vidéo « Sans ciel », un concentré de la dévastation d’une ville syrienne.

Sans ciel - Missing sky - 2014
Vidéo technique Stop motion de 2’27
Lecture en boucle
Ce film a été réalisé en 2014. À l’époque, et malgré l’intensité des violences et des destructions en Syrie, nous pensions qu’il s’agirait d’une phase temporaire. Aujourd’hui, neuf ans après la réalisation du film, nous sommes toujours bloqués à ce stade, assistant de loin à la destruction de nos villes, comme si le temps s’était arrêté à l’instant de dévastation. Dans ce film de stop motion, nous essayons de présenter la destruction de manière symbolique et de rendre l’intensité de la violence vécue en ­Syrie en moins de trois minutes. Le film commence avec l’image d’un espace blanc où des bâtiments se forment progressivement pour occuper la totalité de l’écran symbolisant un quartier de la ville de Homs.
À la fin du film les bâtiments disparaissent, laissant la place à l’espace blanc de la première scène et, en bruit de fond, les cris d’enfants qui jouent dans l’un des quartiers de la ville.
Projet de Mohamad Omran et Bissane Al Charif, enregistrement sonore : Reem Al Ghazi.
Produit avec l’aide du British Council, Young Arab Theatre Fund et Inediz.

Mathieu Pernot

2019 : Prix Henri Cartier-Bresson
2014 : Prix Niépce
2013 : Prix Nadar pour l’asile
des photographies.
2009 : Nominé par le jeu de Paume pour
le prix « Albert Renger Patzsch ».
2003/2004 : Lauréat de la bourse
de la « Casa de Vélazquez » pour
un projet en Espagne.
2001 : Lauréat du prix international
« Romanes » pour le livre
« un camp pour les bohémiens »
1999 : Lauréat de la bourse de
la « Villa Médicis hors les murs » pour un travail sur les Roms de Roumanie.

Mont-Liébaut, Béthune
En 2007, invité par le centre d’art Labanque, Mathieu Pernot réalise un projet sur la démolition d’une barre de logement social dans le quartier du Mont-Liébaut à Béthune. Il produit une série de photographies de l’immeuble éventré par la pelle mécanique qui le grignote progressivement. Les murs des anciennes chambres à coucher, salons, cuisines et autre pièces du logement se découvrent au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Mathieu Pernot réalise alors une reconstruction de la barre en recréant une vue frontale de l’ immeuble  par la juxtaposition des vues prises sur le pignon de celui-ci.

Camille Gharbi

2018 Lauréate du prix FIDAL YOUTH AWARD 2018, qui promeut la jeune photographie contemporaine.
2020 Lauréate, avec l’équipe de journalistes du Monde, du Visa d’Or pour l’Information Numérique au festival Visa pour l’Image, pour son travail sur l’enquête : “Féminicides : mécaniques d’un crime annoncé”, menée par le journal Le Monde en 2019-2020.
Photographe et architecte de formation, Camille Gharbi est née en 1984 et vit à Pantin (93). Elle évolue dans les domaines de la photographie d’architecture, du portrait, de la presse, et développe des projets personnels en lien avec des thématiques sociétales qui lui tiennent à cœur.

« Ce(ux) qui reste(nt) » est une réflexion visuelle sur la question de l’habitat et le sentiment d’appartenance à un lieu, mise en perspective du fait politique. Il s’agit de la restitution d’une résidence artistique portée par le bailleur social HABITAT 08 et l’association de photographie contemporaine La salle d’attente, réalisée à Bogny-sur-Meuse au printemps 2022, pendant la campagne présidentielle qui a vu une fois de plus l’extrême droite arriver aux portes du pouvoir.
J’ai mené ce travail artistique avec les habitants d’une barre d’immeuble HLM vouée à la démolition. À partir de leurs mots et de leurs subjectivités, j’ai cherché à mettre en lumière les liens qui inscrivent les histoires individuelles de chacun dans l’histoire collective, qui nous traverse tous. 
Celles recueillies auprès des habitants de la rue Tisserand racontent en creux la fracture sociale qui sépare la France des élites et celle des classes dites « populaires ». 
« On a bossé, on a tout fait bien, et voilà comment on nous traite… »
Elles nous parlent également de la perméabilité de notre présence au monde. Vivre quelque part n’est pas un phénomène neutre. Les frontières entre le fait d’« habiter » et d’« être habité par » sont ténues. Vivre quelque part, c’est aussi avoir un peu de ce « quelque part » qui vit en soi.
À l’instar des célèbres mots de Nicolas Bouvier, écrivain du voyage et de l’altérité :
« On croit qu’on va faire un voyage, et c’est le voyage qui nous fait, ou nous défait. » 
On habite un lieu, et ce lieu nous habite. 

Vincent Gouriou

2018 Finaliste « Grand prix Imagesingulières / ETPA / MEDIAPART » de la photographie documentaire
2017 Premier prix du Kuala Lumpur International Photoawards
2017 Lauréat Festival ManifestO (Toulouse)
2016 Pride Photo Award & second prix
du public
2016 Lauréat de la Bourse du talent
# 66 Portrait
2014 Lauréat Festival Circulation(s)

Résidence photographique Vincent Gouriou
Dans le cadre du Festival Urbi&Orbi de 2023, l’association La salle d’attente, invite le photographe Vincent Gouriou en résidence artistique à Sedan afin de dresser un portrait de la jeunesse de cette ville, de traduire ses aspirations en images mais aussi en paroles. Afin de réaliser ce travail, La salle d’attente a recherché des institutions, écoles, associations, clubs sportifs travaillant avec un public jeune de 16 à 25 ans.
Le but de ce travail est de recueillir en images et en mots, la place des jeunes dans nos villes et particulièrement à Sedan et sa région, comment vont-ils y construire leur avenir, rester, partir ou revenir.
L’artiste interviendra également dans les écoles afin de partager son expérience professionnelle.

Benoit Pelletier

Benoît Pelletier est photographe. Après avoir développé une vision artistique dans la direction créative et l‘édition, il propose une expression plus personnelle à travers la photographie en produisant des séries d’images qui s’attachent à raconter le « ressenti sensible », d’une situation ou d’un lieu. Il est aussi directeur artistique et éditeur du magazine Process.

Résidence photographique Benoît Pelletier
Benoît Pelletier veut raconter la lumière qui tombe sur Sedan, la façon dont elle fait résonner la pierre jaune ; la présence de l’eau, et notamment ce fleuve, qui traverse la ville et son histoire ; cette pierre si caractéristique qui donne le sentiment que tous ces murs sont les pièces d’un seul bloc de territoire ; ce ciel auquel la présence du château donne des clés de lecture variables…
Il n’envisage donc pas une série qui serait spécifiquement démonstrative d’un point de vue architectural, mais les murs de la cité, sa matière, ses volumes, ses espaces, le château – sa présence massive ou son ombre portée – seront forcément, à un endroit ou à un autre, des composantes essentielles de son projet puisqu’elles le sont de cette ville. La lumière, la pierre, l’eau, et, le ciel comme liant, sont des éléments qui existent partout mais qui créent dans chaque lieu, et en particulier celui-ci, un climat spécifique, et donc un contexte architectural, qu’il va capter et porter au regard de l’observateur en lui disant « regardez ce que j’ai vu » ou plutôt « ressentez ce que j’ai ressenti ».

Smith

Après l’obtention du diplôme de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles en 2012, et du diplôme du studio national des arts contemporains - Le Fresnoy en 2012, Smith engage l’écriture d’une thèse de doctorat en Études et pratiques des Arts à l’Université du Québec à Montréal, qu’il soutient en 2022.
Né.e en 1985, SMITH est photographe, cinéaste, plasticien.ne et doctorant.e en esthétique. À travers l’hybridation des techniques, des médiums, l’utilisation des nouvelles technologies et de nombreuses collaborations avec des scientifiques et philosophes, SMITH développe une poétique de la métamorphose.

Paris (contralto)
Lauréat 2021 de Paris je t’aime × Photo Days
Autour du thème “Paris vert”, Smith propose un portrait de cette ville dans une tessiture visuelle à la marge de celles habituellement employées pour chanter Paris - ville qui l’a vu naître, grandir, et qu’il hante encore aujourd’hui. Le contralto est la voix de femme la plus grave ; une voix rare, de l’entre-deux, caractérisée par une mystérieuse chaleur, paraissant dévoiler une autre réalité.
Cette série est réalisée à la caméra thermique, outil de prédilection du photographe depuis dix ans, dont la singularité est de capter les ondes de chaleur dégagées par les corps vivants, humains et non-humains. Ses couleurs singulières troublent les frontières entre les espèces, entre les règnes, révélant un on-ne-sait-quoi d’invisible, mais de pourtant fondamental, d’intuitif, liant tout ce qui est. Ces thermogrammes parisiens semblent ainsi mettre en lumière une ville où les surfaces bleues-grises bitumées omniprésentes cèdent leur place au flux du vivant et à ses couleurs chaudes.
Smith a fait le choix de photographier les espaces familiers de son enfance : le triangle Belleville - Buttes Chaumont - Canal Saint-Martin, les jardins, parcs, squares, cimetières, quais, et bois alentours, qui furent à Paris ses seuls espaces de rêve et de contact avec « la nature », à l’affût de rencontres humaines et non-humaines, de zones de contact, de porosité, de panoramas nocturnes, de points de vue singuliers, pour composer une série dévoilant une dimension inédite de la ville de Paris, ouverte sur le vivant.

Simon Boudvin

Simon Boudvin a étudié à l’École des Beaux-arts de Paris dans l’atelier de ­Giuseppe Penone et à l’École d’architecture de Paris-Malaquais. Après avoir enseigné dans différentes écoles d’art et d’architecture, il rejoint en 2018 l’École nationale supérieure de Paysage à ­Versailles. Son travail se développe dans le cadre d’expositions, de collaborations, de publications – parmi ses derniers livres : Bote-tchu & Sèllatte, éd. Art & fiction, 2022 ; Oise, Building Books, 2022, Motivi, Roma publications, 2022. Chacun de ses travaux est développé depuis l’exploration d’un territoire. C’est là une des particularités du travail de cet artiste qui veille à ne jamais travailler hors-sol.

Inutile, libre, grand, généreux. Ce sont ces traits de l’ailante (Ailanthus altissima) que Zhuangzi évoquait pour illustrer sa philosophie Tao. Aujourd’hui, ces mêmes caractères sont reprochés aux spécimens de cette espèce qui évoluent dans les régions tempérées de tous les continents. Simon Boudvin a suivi le développement d’une population d’ailantes pendant dix ans sur un territoire de l’Est parisien, entre les communes de Bagnolet et Montreuil. Il partage ici un extrait de son relevé photographique, dont certaines situations sont reproduites dans un livre : Ailanthus altissima, une monographie située de l’ailante (éditions B42, 2021), une publication qui interroge notre capacité à accueillir l’apparition d’une forme de vie spontanée et à relâcher notre maîtrise exclusive sur l’espace de nos villes. 

Alessandro Parente

Paysage de bord de seine en noir et blanc

Alessandro Parente est membre du collectif de photographes freelance italiens Buena Vista Photo. Son travail, présenté par la galerie Booklyn, est exposé à l’Université de Stanford (USA), au Bainbridge Island Museum of Art (USA) et de manière permanente au musée national de l’artisanat indigène de Quito, MINDALAE (Équateur).
Publié dans des revues et des quotidiens tels que : El Mundo, de Volkskrant, El Pais, Clarin, Il Manifesto, Vice.
Il collabore régulièrement avec le programme Propaganda Live de la chaîne La7 de la télévision italienne.
Il a publié les livres documentaires El grillobook, diversité en résistance au Mexique, Seine-Pandemie, vivre sur le canal Saint-Denis pendant le Covid19.

Réalisées depuis le début du confinement 2020, les photographies argentiques d’Alessandro Parente permettent une plongée palpitante dans le réel des travailleurs précaires, mal logés de La Courneuve, des migrants et réfugiés demandeurs d’asile ­d’Aubervilliers et des ONG opérant en Seine-Saint-Denis.
Dans l’œil du photoreporter, la Seine-Saint-Denis – un des départements les plus pauvres et surpeuplés de France – devient la « Seine-Pandémie ».
Avant son déménagement parisien il y a deux ans et l’installation de son laboratoire dans un ex-hôtel montmartrois devenu squat d’artistes, Alessandro Parente a passé sept ans au Mexique, où il a pris le temps de nouer des relations de promiscuité avec les personnes et les lieux composant ses reportages.

Paolo Della Corte

Photographies de trois personnes sous l'eau

“Paolo della Corte est né à Venise, la ville où il vit actuellement malgré de nombreux voyages.
Diplômé en histoire de l’art à Ca’ Foscari, il commence à travailler comme photographe, se concentrant dès le début sur des portraits de personnages du monde de la culture, en particulier de la littérature et de l’art, les suivant dans leurs studios ou leurs maisons pour toujours les contextualiser dans leur environnement, en relation avec leur vie et leur travail et essayant d’allier recherche esthétique et naturalité afin de raconter le personnage. Louise Bourgeois, Jim Dine, Roy Lichtenstein, James Rosenquist, George Segal, Jannis Kounellis, les Italiens Luciano Fabro, ­Mario Merz, Emilio Vedova, Fabrizio ­Plessi et Giuliano Vangi sont quelques-uns des artistes qu’il a rencontrés au cours de ces vingt années. Parmi les écrivains, il se souvient de Doris Lessing, Gunther Grass, Luis Sepúlveda, Fulvio Tomizza, Claudio Magris et Andrea Zanzotto.
Il s’intéresse aussi beaucoup à la photographie culinaire, la nourriture entendue comme culture, histoire, géographie. Il a réalisé une vingtaine de livres chez Giunti Editore, Gambero Rosso et Hachette ainsi que le portrait des plus grands chefs internationaux de ces vingt dernières années. Il enseigne la photographie numérique à l’Accademia di Belle Arti de Venise et collabore avec le collectif BuenaVista, publiant dans divers journaux nationaux et internationaux.”

“Dans la nuit du 12 au 13 novembre 2019, la deuxième plus grande inondation de l’histoire a envahi Venise, causant d’importants dégâts et déclenchant l’éternelle controverse sur ce qui n’a pas été fait et ce qui aurait dû l’être. Juste à cette époque, le dernier numéro de la revue Nature sortait également avec une étude sur l’élévation du niveau de la mer et les conséquences qui en découleraient. Elle est trois fois plus catastrophique puisqu’elle prédit une hausse moyenne de 10 cm d’ici 2050. À cette date, la marée dévorera Venise. Et même Padoue et ­Trévise ne seront pas sauvées. J’imaginais la ville telle qu’elle pourrait être dans une trentaine d’années : submergée ; et les Vénitiens, qui comme des amphibiens, se déplacent dans les rues en nageant, flottant ou immergés sous l’eau devenue un liquide amniotique.”

Serge Anton

Serge Anton est né en 1966. Il est diplômé de l’école de photographie de Bruxelles, où il vit et travaille.
Depuis 1988, il collabore pour différents magazines de décoration intérieure, d’architecture et d’art à travers le monde.
Ses œuvres (portraits, paysages et architecture) font l’objet d’expositions régulières en Belgique, France, Suisse, Italie, Espagne, États unis, Maroc, et lui ont valu une reconnaissance internationale.
Prix : Sappi Europe - Award d’argent, 1994.

Dans les vallées désertiques du grand sud marocain, bordées par l’Atlas et le Sahara, le paysage âpre et aride est parsemé de majestueuses citadelles et de villages fortifiés construits en terre crue, vestiges de l’architecture traditionnelle arabe et berbère. Aujourd’hui en proie au délabrement et à la déréliction, ces kasbahs et ksours sont autant de témoignages à la fois du génie et de la fragilité des civilisations.
Fasciné par la charge poétique de ces nobles silhouettes spectrales et de ces cités fantômes, Serge Anton a voulu traduire en images l’expérience à laquelle elles nous confrontent : celle d’une vie élimée par la fuite du temps dont nous accueillons le silence et le mystère avec respect. À l’image d’un Monsù Desiderio, peintre d’architectures grandioses et ébranlées par le chaos, ses photographies monochromes nous rappellent le contraste saisissant entre l’univers de l’ombre et celui de la lumière. Dans l’entrelacs de ces formes confinant à l’abstraction, au cœur d’un labyrinthe de ruines quasi cubiste, elles démontrent aussi comment le temps, en dépit de ses impulsions destructrices, peut être un artisan créateur.
En effet, de l’érosion naissent de nouvelles formes, qui revisitent l’œuvre édifiée par les mains de l’homme et font rayonner la beauté naturelle du matériau qui l’a générée. Les compositions de Serge Anton illustrent cette renaissance ou métamorphose, à travers un sens aigu du clair-obscur qui souligne la gravité esthétique des frises et arêtes à demi effacées, des ravinements et fissures creusés par l’usure ou les intempéries, et fait revivre l’argile dans l’éclat de son grain et la brillance des reflets de sa patine ocre.
Depuis plus de vingt ans, Serge Anton a entrepris un passionnant et méticuleux travail pour extrapoler la densité et la force d’inspiration qui se dégage d’un monde magnifié par l’empreinte du temps, dont la matière naturelle comme humaine sont les cibles fécondes : vieux grimoires à la texture jaunie et aux contours biscornus partiellement sauvés des flammes, visages striés et burinés par le poids de l’âge, architectures de pierre ou de sable érodées par l’action de la nature. 
Dans une époque saturée par une frénésie de restauration et d’immaculation visuelle, peu encline à préserver les traces façonnées par le temps, l’œuvre de Serge Anton rend hommage à leur infinie richesse et à leur essence : offrir la respiration nécessaire pour prendre la mesure du passé et construire une mémoire.
Nicola Giovannini

Paul Tourenne

Trois enfants qui jouent dans les années 40

Né en 1923 à Paris, Paul Tourenne est passé à la postérité comme soliste des Frères Jacques. Parallèlement à sa longue carrière de chanteur, – près de quarante ans à l’affiche en France et dans le monde – il a pu assouvir, en amateur, une autre passion où il a affirmé un 1alent des plus originaux : la photographie.

À la fin de la guerre, Paul Tourenne fait la connaissance, à Paris, de quatre frères photographes professionnels, les Thomas d’Hoste. Ces gars, des fonceurs, l’ont littéralement dynamisé. Les clichés au format 6 x 9 revenant trop cher, il passe au ­Rolleiflex 6 x 6 avec lequel il décroche un quatrième prix au concours organisé par la firme pour ses vingt-cinq ans. Ce succès l’encourage, il se met au 24 x 36 d’abord avec un Retina 2 pour en arriver, forcement conseillé par Pierre Duverger, au Leica auquel il reste fidèle.
Très éclectique dans ses sujets, Paul Tourenne peut être inspiré par un personnage, un paysage, une architecture, une scène de rue, ou tout simplement la lumière. La lumière… surtout la lumière… C’est du reste lui qui, du temps des Frères Jacques, réglait les lumières des spectacles. Cela dit, il affectionne certains thèmes : la texture des sols, les affiches en strates déchirées, les graffitis superposés, les effets de miroir sur des mannequins de vitrine, les formes étranges de certains bois floués… il n’a pas de conception particulière en matière de photo, ni de « philosophie » : fonctionnant à l’instinct il se laisse guider par l’insolite, l’inattendu, l’humour et la poésie.
La photo fut et reste toujours sa passion. Il l’aime en véritable amateur. Son vieil ami, Fred Melia, passionné de photographie, lui aussi, a coutume de dire qu’ils sont des « amacœurs ». Ça les résume parfaitement.

François Willème

photosculpture de François Willeme

François Willème est un artiste français né à Sedan le 27 mai 1830 et décédé à Roubaix le 31 janvier 1905. Il a marqué l’histoire de l’art par sa polyvalence en tant que peintre, photographe et sculpteur. Willème a été formé par Henri Félix Emmanuel Philippoteaux à l’École des beaux-arts de Paris.

L’exposition organisée par Urbi&Orbi met en valeur les photographies de Willème, qui sont considérées comme des témoignages visuels de Sedan au XIXe  siècle et de ses anciennes fortifications après la guerre franco-prussienne. De plus, l’exposition présente l’invention de Willème, la photosculpture, qui est considérée comme un précurseur de l’impression 3D. Cette technique innovante combine photographie et sculpture pour créer des œuvres d’une grande précision, qui sont exposées dans des musées prestigieux tels que le George Eastman House aux États-Unis et le musée Carnavalet à Paris.
Les visiteurs de l’exposition pourront découvrir les premières photographies de Sedan à une époque où cet art n’en était encore qu’à ses débuts. Ces photos retracent l’évolution de la ville depuis le démantèlement de ses fortifications jusqu’à la construction de la “ville nouvelle”. Cette période charnière de l’histoire urbaine locale est également mise en lumière à travers des albums photos, des manuscrits, des plans, des imprimés, des objets et des œuvres issues des collections patrimoniales sedanaises, qui ont été exceptionnellement sorties des réserves à cette occasion.
En somme, l’exposition offre une occasion unique de découvrir l’œuvre polyvalente de François ­Willème et de plonger dans l’histoire fascinante de Sedan et de ses transformations majeures.

Roger Vincent

 À la fin des années 30, ce jeune Sedanais qui travaille dans l’entreprise familiale (droguerie et peinture) à Sedan découvre la photographie. Plus tard, le Service du Travail Obligatoire (STO) de l’occupation l’envoie en Pologne. Il y travaille chez un photographe.
De retour à Sedan, Roger Vincent monte un laboratoire de photographie dans l’entreprise familiale. Le métier le passionnant, et répondant à de nombreuses commandes, il ouvre un commerce à l’enseigne “Fotirage”.
Ainsi commença à Sedan le travail passionnant de Roger Vincent. Pour la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) de Sedan, il photographie aciéries, filatures, ateliers de chaudronnerie. Il est en outre le correspondant local du quotidien régional L’Union.
À ce titre, il fut le témoin de toutes sortes d’évènements et de faits divers qui émaillèrent Sedan vingt années durant. Excellent cadreur, Roger Vincent a fait la chronique entre 1950 et 1970 d’une ville renaissante : kermesses, foires, défilés, cérémonies, commerces, aménagements urbains…
Il réalisa ainsi quelque 10 000 photos (plaques de verres et négatifs) qui constituent aujourd’hui le “Fonds Roger Vincent”, conservé à la médiathèque de Sedan.

Alain Janssens

Alain Janssens est né à Liège. Il a été professeur de photographie entre 1985 et 2017. Tant son travail de commande que son regard d’auteur, sont portés par l’attention à la lumière et au présent. Il a publié  : La gare blanche (2010), Temps brassé (2005), Nulle part et partout (2014). Des expositions en Belgique et à l’étranger complètent une vie dédiée à la photographie.

Sur les traces de Roger Vincent, le travail présenté ici parcoure Sedan à partir de l’idée de la reconstruction de la ville, et en particulier sur l’architecture et l’urbanisme de la cité. Couleurs, matières, structures, perspectives, monumentalisme sont aujourd’hui aux prises avec les impératifs d’une ville moderne, soumise aux lois du marché, aux exigences envahissantes de la publicité, à la prégnance de l’automobile et de ses signaux, à la notion d’espace (atmosphères citadines étroites, exigües et surchargées…), à l’emprise des temps qui passent et du présent qui jaillit, à une certaine évidence de la vision globale et de l’énigme d’un détail qui surgit…

Yves Leresche

Yves Leresche est suisse. Il vit et travaille à Lausanne depuis 1991. Il a reçu de nombreux prix dont le Wold Press Photo en 1997, pour son travail auprès de la communauté Rom en Roumanie, le Prix Panorama Européen Kodak en 1995 et le prix Swiss Press Photo Award en 2020 pour son travail sur la grève des femmes en Suisse. Membre de l’agence photo Lookat à Zurich, il collabore avec différents magazines suisses et internationaux.

Une petite semaine à faire juste une photographie de la ville, vue par un étranger qui la découvre, dans une déambulation à travers ses lieux publics puis à la rencontre de ses habitants. Elle est un peu vide, un peu pâle...
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