Serge Anton est né en 1966. Il est diplômé de l’école de photographie de Bruxelles, où il vit et travaille.
Depuis 1988, il collabore pour différents magazines de décoration intérieure, d’architecture et d’art à travers le monde.
Ses œuvres (portraits, paysages et architecture) font l’objet d’expositions régulières en Belgique, France, Suisse, Italie, Espagne, États unis, Maroc, et lui ont valu une reconnaissance internationale.
Prix : Sappi Europe – Award d’argent, 1994.
Dans les vallées désertiques du grand sud marocain, bordées par l’Atlas et le Sahara, le paysage âpre et aride est parsemé de majestueuses citadelles et de villages fortifiés construits en terre crue, vestiges de l’architecture traditionnelle arabe et berbère. Aujourd’hui en proie au délabrement et à la déréliction, ces kasbahs et ksours sont autant de témoignages à la fois du génie et de la fragilité des civilisations.
Fasciné par la charge poétique de ces nobles silhouettes spectrales et de ces cités fantômes, Serge Anton a voulu traduire en images l’expérience à laquelle elles nous confrontent : celle d’une vie élimée par la fuite du temps dont nous accueillons le silence et le mystère avec respect. À l’image d’un Monsù Desiderio, peintre d’architectures grandioses et ébranlées par le chaos, ses photographies monochromes nous rappellent le contraste saisissant entre l’univers de l’ombre et celui de la lumière. Dans l’entrelacs de ces formes confinant à l’abstraction, au cœur d’un labyrinthe de ruines quasi cubiste, elles démontrent aussi comment le temps, en dépit de ses impulsions destructrices, peut être un artisan créateur.
En effet, de l’érosion naissent de nouvelles formes, qui revisitent l’œuvre édifiée par les mains de l’homme et font rayonner la beauté naturelle du matériau qui l’a générée. Les compositions de Serge Anton illustrent cette renaissance ou métamorphose, à travers un sens aigu du clair-obscur qui souligne la gravité esthétique des frises et arêtes à demi effacées, des ravinements et fissures creusés par l’usure ou les intempéries, et fait revivre l’argile dans l’éclat de son grain et la brillance des reflets de sa patine ocre.
Depuis plus de vingt ans, Serge Anton a entrepris un passionnant et méticuleux travail pour extrapoler la densité et la force d’inspiration qui se dégage d’un monde magnifié par l’empreinte du temps, dont la matière naturelle comme humaine sont les cibles fécondes : vieux grimoires à la texture jaunie et aux contours biscornus partiellement sauvés des flammes, visages striés et burinés par le poids de l’âge, architectures de pierre ou de sable érodées par l’action de la nature.
Dans une époque saturée par une frénésie de restauration et d’immaculation visuelle, peu encline à préserver les traces façonnées par le temps, l’œuvre de Serge Anton rend hommage à leur infinie richesse et à leur essence : offrir la respiration nécessaire pour prendre la mesure du passé et construire une mémoire.
Nicola Giovannini