Catherine Balet

Pour cette étude sociologique, Catherine Balet a rassemblé un échantillon de jeunes rencontrés à Paris, Berlin, Londres, Barcelone et Milan. Casting minutieusement opéré à la sortie des lycées chez le treize – dix-huit ans selon des critères à la fois subjectifs (créativité, adhésion de la personne à son apparence) et objectifs (représentativité sociale et stylistique).

Identity

Urbi & Orbi – 2008 – Vitrine du Conseil Général – Charleville-Mézières

On pourrait se demander si la photographie d’adolescents n’est pas en passe de devenir un sous-genre du portrait tant elle est récurrente ces dernières années dans notre société, d’autant plus fascinée par sa jeunesse qu’elle peine à en comprendre la crise morale. Contrairement à ce que l’on peut voir dans beaucoup de travaux, le propos de Catherine Balet n’est pas d’abord une approche psychologique, une tentative de cerner l’essence de l’adolescence. Nous ne trouverons pas ici d’adolescents nus, gauches, étrangers à leur propre corps mais l’affirmation d’une identité – fût-elle collective – résolument en opposition avec la norme, par le langage très codé du vêtement ou plus exactement, du look qui engage la totalité de la personne dans une esthétique.

Pour cette étude sociologique, Catherine Balet a rassemblé un échantillon de jeunes rencontrés à Paris, Berlin, Londres, Barcelone et Milan. Casting minutieusement opéré à la sortie des lycées chez le treize – dix-huit ans selon des critères à la fois subjectifs (créativité, adhésion de la personne à son apparence) et objectifs (représentativité sociale et stylistique).

Impliqués dans le méticuleux cérémonial de la prise de vue à la chambre, ces jeunes affichent, plus que leur être, leur appartenance à telle ou telle catégorie de look, toujours lié au type de musique qu’ils écoutent, elle-même subdivisée en une multitude de sous-groupes dont l’identification s’avère quasi impossible au non initié. Sans doute faut-il voir dans cette volonté de catégorisation labyrinthique l’obsession de mettre en avant leur identité tout en se retranchant derrière un groupe, le plus restreint possible.

Ces adolescents posent sur nous un regard dénué de provocation, à la fois grave et satisfait : celui de l’artiste qui a enfin trouvé la forme juste.

Photographiés frontalement, en pied, sous une lumière constante et neutre, devant des murs à l’aspect souvent caractéristique de leur ville, chacun est un élément d’un panel européen, aux caractéristiques nationales généralement peu marquées (sauf lorsqu’ils portent des uniformes scolaires) tant les modèles dont ils s’inspirent sont devenus mondialisés. Ces portraits en majesté, avec emblèmes et devises, accessoires et signes d’appartenance, sont-ils si éloignés de ceux que l’aristocratie commanditait jadis et dans lesquels elle cherchait à contempler le reflet de sa légitimité ?

Jean-Christian Fleury

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