Jocelyne Alloucherie

Avec Occidents, Jocelyne Alloucherie dresse le profil des villes occidentales qui apparurent d’abord « étroites et carcérales » à cette Québécoise venue des grands paysages sauvages du Nord. Si les contours des villes diffèrent, ils s’équivalent et tendent à un seul et même archétype d’organisation de l’espace urbain qui peu à peu se substitue aux autres.

Occidents

 

L’œuvre de Jocelyne Alloucherie, constituée à la fois de photographies en noir et blanc de grands formats et d’éléments architecturaux en volume, nous introduit dans un univers poétique et critique qui inclut le spectateur et l’œuvre dans un même dispositif : lieu de passage et de vision qui met en scène les conditions de perception et de consommation des images en cadrant le regard. Images d’architectures ou de lieux ordinaires, parfois de paysages, saisies lors de déambulations urbaines et utilisées parfois longtemps après la prise de vue. Images discrètement troublantes qui semblent appartenir autant à la réalité qu’au rêve, tant elles résultent d’une tension entre le familier et l’étrange, entre la certitude et le doute. Images rongées par l’ombre, réduites à des stéréotypes minimalistes qui résultent moins du désir de s’inscrire dans tel courant de l’art que de parvenir à une généralisation par laquelle l’art se fait miroir de l’Histoire des hommes.

Avec Occidents, Jocelyne Alloucherie dresse le profil des villes occidentales qui apparurent d’abord « étroites et carcérales » à cette Québécoise venue des grands paysages sauvages du Nord. Si les contours des villes diffèrent, ils s’équivalent et tendent à un seul et même archétype d’organisation de l’espace urbain qui peu à peu se substitue aux autres. Prenant la place du promeneur, à certaines heures proches du crépuscule, la photographe joue des perspectives en enfilades des façades et laisse se dessiner, par accumulation de profils, les contours de falaises oppressantes bordant la rue, telle une gorge encaissée qui débouche sur un horizon absent et un ciel vide. La perception de cette vacuité, de ce point de fuite introuvable de la composition (il est hors champ) est brouillée par un dispositif architectural évoquant portes, murs ou fenêtres, installé devant l’image, qui à la fois accueille le spectateur et lui fait obstacle, cadre son regard et le maintient à distance. Il y a dans cet empêchement comme l’aveu d’impuissance d’une cité, d’une pensée tout entière préoccupée d’elle-même et de pérenniser son modèle.

 

J.-C. F.

Share This
google-site-verification: google0efd31106259eb58.html