À travers la photographie, Matthieu Litt ne cesse d’interroger notre rapport au monde. Dès ses premières séries, il explore les interactions entre l’humain et le paysage, puis avec le temps, ses recherches s’ouvrent plus largement au spectre du vivant. L’objectif photographique devient alors le moyen pour l’auteur d’observer la trame complexe des liens qui se tissent entre les êtres. Convaincu du pouvoir reconstructeur de son médium,
il cherche avec lui à restaurer le lien fracturé entre l’humain et son environnement.
En empruntant cette voie, Matthieu Litt s’affranchit petit à petit d’une dimension documentaire, au profit d’une perspective résolument poétique.
Aussi, c’est à travers leurs traitements éminemment plastiques que ses travaux rendent compte de la fragilité de nos écosystèmes et des désastres à venir.
L’indétermination dans laquelle baignent ses sujets est toute volontaire car le photographe en trouble délibérément les contours spatio-temporels. Il est en effet davantage animé par la restitution d’une expérience esthétique, que d’une réalité palpable. Ainsi, le photographe inscrit les différents territoires qu’il explore dans une cartographie sensible et poétique. Et ce faisant, il s’emploie jour après jour à renouveler notre manière d’appartenir au monde.
Ses récentes expositions incluent :
Sunrise, sunset à la galerie Bonnemaison – Liège,
Oasis au Musée d’art contemporain en plein-air du Sart-Tilman,
Melting Islands à Hangar Art Center, Bruxelles,
Horizons 1939-2024, Premières et dernières acquisitions de la Collection de la Province de Liège, Musée de la Vie Wallonne – Liège.
Son troisième livre Oasis est à paraître en 2025 aux éditions du Caïd.
Il est représenté par Hangar Gallery à Bruxelles.
Terra Nullius
L’univers arctique, notre terre vierge primaire, à la fois inhospitalière et sauvage, s’est mutée en l’Eldorado du futur. Cette série illustre une région jusqu’à sa chute, en tentant de nous rapprocher de l’essence de la capture d’images, de la mémorialisation et de notre nostalgie du passé immédiat. Le paysage décrit est si grandiose que tenter de le cadrer en une seule image semble continuellement hors de portée.
Ces photographies hyperréelles défient presque la réalité, faisant allusion à notre sens du réel et du virtuel et à notre obsession de nous focaliser sur d’autres planètes — tout en négligeant ce que nous avons à portée de main sur terre. Notre vision idyllique du Grand Nord aura bientôt disparu, les changements dans notre environnement apportant simultanément leur lot d’opportunités et de pertes. La photographie, bien qu’elle ait, depuis son instauration, une relation conflictuelle avec la vérité, possède toujours une certaine capacité à rendre visible même auprès des ignorants.
Elle stimule en particulier un schéma d’acceptation et de compréhension de la perte — à la nature de son essence.
La transformation et la perte sont à la base de ce travail, construit sur la multitude de couches accumulées au fil des siècles et des millénaires, qui peu à peu se réduisent à néant. Dans cette série, passé et futur se confondent dans la même image — l’absence de glace, autant que la présence d’épaisses couches glaciaires résistant obstinément à la disparition s’opposent. Les négatifs photographiques sont sur et sous-exposés dans un geste mimétique des forces naturelles transformant l’Arctique, comme la pluie remplace la neige et comme le matériel devient immatériel.