PHILIPPE HERBET

Philippe Herbet est un photographe de la rue, de l’errance, de la rencontre et du merveilleux qui se dégage du quotidien. Très attiré par l’Orient et les fantômes, il mêle ses propres écrits à ses images.
Ses photographies ont fait l’objet d’expositions en Belgique (Contretype, Musée de la photographie à Charleroi, galerie Jacques Cerami), en France (Camera Obscura à Paris, Le Réverbère à Lyon), au Brésil (MUBE, Sao Paulo), à Istanbul, au Centre culturel Mendi Zolan à Hendaye et ailleurs. En outre il a participé à plusieurs résidences d’artiste : Nekatoenea à Hendaye, Contretype à Bruxelles, au Château de Thozée pour la Fondation Félicien Rops, au phare de l’île Wrac’h en Bretagne.
Il a publié 9 monographies mêlant ses photographies et ses textes parmi lesquelles Les Filles de Tourgueniev aux éditions Bessard à Paris, Herbet – Dadas aux éditons du Caïd.
Il est également écrivain, son premier roman autobiographique Fils de prolétaire a été publié par les éditions Arléa à Paris en 2022 et, en 2023,
Le Sable Le Vent, un récit avec Serge Delaive.
Il est représenté par la galerie Jacques Cerami en Belgique.

ALBERT DADAS
La France et l’Europe de la fin du XIXe siècle est obsédée par la question du vagabondage, par les sans-papiers qui errent d’une ville à l’autre. La fugue devient un trouble médical avec un diagnostic précis. Albert Dadas (1860–1907) est l’une des premières personnes atteintes d’automatisme ambulatoire, aussi nommée dromomanie. Son médecin, le docteur Philippe Tissier va poser le diagnostic de sa folie dans sa thèse intitulée « les aliénés voyageurs ».
Albert Dadas, un modeste employé du gaz à Bordeaux, va faire des fugues qui dureront de plusieurs jours à plusieurs années, en perdant à la fois ses papiers et son identité, mais jamais sa pulsion de partir, de marcher, de découvrir. Certains prétendront qu’il est un simulateur.
Je me suis attaché à ce personnage, nous avons des points communs : la fugue, un traumatisme crânien, une mémoire défaillante, de grands maux de tête, nous pleurons vite, des poussées mélancoliques, le goût du voyage et des grands espaces, l’errance à tout prix, l’attirance pour le nord-est, le sens de la propreté vestimentaire, un rapport spécifique à Liège, le besoin irrésistible d’aller dans une ville dont le nom nous plaît, etc.
Aussi, j’ai éprouvé très vite la nécessité de réaliser un projet lié à sa grande fugue de 1880/1882. Elle le mènera de Valenciennes à Moscou en passant par Liège, Cologne, Kassel, Linz, Vienne, Prague, Berlin, Varsovie, Minsk. À Moscou, il est soupçonné d’être un anarchiste et emprisonné avant d’être expulsé de Russie avec d’autres prisonniers. Il se déplace ensuite à Istanbul avant de filer à Vienne, Munich, Strasbourg pour arriver en Suisse. Épuisé, il se rend à Bâle où il se constitue prisonnier auprès du consulat de France. À Lille, il sera condamné à trois ans de travaux publics pour désertion avec effets et armes. « Je suis parti parce que mes camarades me faisaient trop de misères », avait-il déclaré lors de son interrogatoire (combien de fois n’ai-je pas eu cette idée les dimanches soirs lors de mes années au collège et, ensuite, lors de mon service militaire et encore plus tard lorsque j’ai eu un travail régulier pendant onze années, fuguant parfois, m’inventant des maladies). J’ajoute que j’aime l’idée de refaire le parcours d’un homme modeste.
Dans ce projet qui suit l’itinéraire de la grande fugue de 1880/1882, je m’identifie à Albert Dadas. Je suis son fantôme et il est le mien, je suis dans le cadre, à la fois son acteur et le mien. Grâce à des temps de pause longs, de 30 secondes à plusieurs minutes, je capte des moments où la durée s’inscrit sur les pixels du capteur. À travers des mises en scène, nous nous incarnons donc, lui et moi, dans un hors temps universel. Des autoportraits, mais pas au sens strict, ce n’est à la fois ni moi ni lui. Ce sont nos apparitions ou nos disparitions.

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