Pierre Schwartz

Le monde défile ainsi, en noir et blanc, devant cette fenêtre, la lucarne du football qui concurrence ainsi celle de la télévision pour nous offrir une autre vision des pays traversés : celle de Sarajevo, meurtrie par la guerre, celle, chaotique d’Istanbul, celle des orgueilleux buildings de Rio ou des lointains sans fin de la Patagonie.

Buts

De football, il est encore question avec Pierre Schwartz. Cette fois sans joueurs, sans balle, sans spectateurs ni stade, réduit à la seule figure minimale de la cage rectangulaire qui aimante le jeu et les convoitises : le But.

En Europe, en Afrique, au Viet Nam ou au Mexique, il a accumulé plus d’un millier de spécimens de cet objet simple, ordinaire, constitué de trois segments, souvent bricolage de bois brut, de planches, de bambous, tantôt trop haut, tantôt trop large, parfois piteusement affaissé mais toujours dressé orgueilleusement sur des terrains de fortune.

Outre qu’elle témoigne de l’omniprésence du football à travers la planète, cette série décline avant tout les infinies variations d’une figure géométrique élémentaire et les rapports qu’elle entretient avec l’espace environnant. Car le mode opératoire du photographe est lui aussi systématique, lui laissant peu de liberté : point de vue frontal, centré, à distance constante. Sa place est celle du tireur de penalty. Dressé dans le paysage comme une sculpture, ce cadre involontaire, aléatoire, redouble celui du viseur photographique, rendant visible un hors-champ que vient souligner en le contrariant le format carré des images.

Le monde défile ainsi, en noir et blanc, devant cette fenêtre, la lucarne du football qui concurrence ainsi celle de la télévision pour nous offrir une autre vision des pays traversés : celle de Sarajevo, meurtrie par la guerre, celle, chaotique d’Istanbul, celle des orgueilleux buildings de Rio ou des lointains sans fin de la Patagonie.

En s’imposant une contrainte extrême, Pierre Schwartz accède à des richesses à priori insoupçonnées, convoque d’un seul geste la photographie de paysage, le land art, le reportage social et nous livre une méditation sur la fragilité du regard.

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