Robert F. Hammerstiel

Jouant de tous les registres de l’esthétique publicitaire, mais toujours avec une discrète ironie, Robert F. Hammerstiel creuse la plaie de nos contradictions….      

Die Blaue Lagune et Private stories

Urbi & Orbi – 2008 – La Forge Gendarme – Vrigne-aux-Bois

 

Robert F. Hammerstiel agit en archéologue du présent : c’est à travers certains produits de masse emblématiques qu’il nous livre une réflexion sur le fonctionnement et les valeurs de notre société de consommation. Révélateurs de nos rapports à la nature, au bien être, à la culture, de notre conception du moi, de nos habitudes, de notre imaginaire, la nourriture, les jouets, les animaux domestiques, les plantes d’intérieur, l’habitat, autant de domaines – parmi d’autres – que Hammerstiel a documentés au fil des années par la photographie ou la vidéo, et dont l’accumulation pourrait constituer une sociologie du goût contemporain tel que façonné par la publicité et les exigences du marché.

Les vidéos qu’il nous présente ici nous entraînent dans l’un de ces lotissements modèles que livrent à notre convoitise les fabricants de rêves clés en main que sont les promoteurs immobiliers. Concentrés des fantasmes de la classe moyenne, ces maisons-témoins semblent les écrins d’une vie rêvée. Robert F.Hammerstiel les a filmés de l’extérieur, en un long travelling circulaire qui circonscrit cette planète inhabitée et sans doute inhabitable. Die Blaue Lagune nous plonge, par l’effet d’un long panoramique à 360° dans l’univers aseptisé d’un intérieur modèle aménagé pour notre plus grand confort, tel un aquarium pour celui des poissons rouges qui l’habiteront. Avec Private stories, il met en scène, dans un décor plus design mais tout aussi formaté, les archétypes du jeune couple, de la femme seule (séparée ?), du cadre harassé, de la jeune mère de famille. Tous semblent confrontés à la difficulté de trouver leur place dans cet environnement factice, en proie au doute et au vide vertigineux qui les saisit à la perspective de devoir couler leur existence dans le moule d’un bonheur standardisé. Ces embryons de récits où la théâtralité des attitudes contraste avec la minutie de la description sociale ne sont pas sans évoquer cette autre forme stéréotypée de narration qu’est le roman-photo.

Jouant de tous les registres de l’esthétique publicitaire, mais toujours avec une discrète ironie, Robert F. Hammerstiel creuse la plaie de nos contradictions entre d’une part nos désirs d’authenticité, notre aspiration à la différence et à la liberté et d’autre part leur assouvissement dans le faux-semblant, dans le produit de masse indéfiniment reproductible, dans l’illusion lénifiante de l’univers pavillonnaire et de son cocooning régressif.

Jean-Christian Fleury

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