Sébastien Camboulive

En s’infiltrant dans les interstices temporels des mouvements de groupes pour créer des moments fictifs, Sébastien Camboulive met en lumière une vérité : la foule urbaine n’est qu’une réalité statistique, une somme de présences qui masque la juxtaposition des solitudes.

LA LIMITE PLUIE NEIGE

Urbi & Orbi – 2008 – Immeuble 31 rue de l’Horloge – Sedan

 

Les scènes de rue que nous propose Sébastien Camboulive nous paraissent d’une parfaite banalité en même temps qu’elles nous stupéfient : il semble que ces passants, saisis à la volée dans leurs déplacements quotidiens, participent à une mystérieuse chorégraphie où la place de chacun, sa trajectoire, jusqu’à la couleur de ses vêtements sont soigneusement réglés. Les groupes, plus ou moins denses, paraissent tantôt en cours d’implosion, comme si chacun de leurs membres allait entrer en collision violente avec les autres, tantôt centrifugés, chacun fuyant pour une raison inconnue un vide central, tantôt agités de remous contradictoires. La dynamique de ces compositions tient aux tensions qui habitent le vide entre les personnages. Passages-piétons, places, carrefours sont les lieux privilégiés où Sébastien Camboulive effectue ses captations pour ensuite les agréger en une seule image par des moyens numériques. Travail de reconstruction donc, plutôt que de mise en scène, destiné à mettre en évidence ce qu’il nomme « les distances interpersonnelles et les stratégies d’évitement » qu’il a pu observer in situ. Chaque image est ainsi un puzzle aux originaux multiples dont l’auteur lui-même ne saurait plus démêler après coup quelle est la part fictionnelle.

De quelle fidélité, de quelle exactitude s’agit-il alors dans ces restitutions ? En s’infiltrant dans les interstices temporels des mouvements de groupes pour créer des moments fictifs, Sébastien Camboulive met en lumière une vérité : la foule urbaine n’est qu’une réalité statistique, une somme de présences qui masque la juxtaposition des solitudes. Si la foule semble homogène et unie, c’est le fruit d’une illusion qui nous fait prendre l’écheveau des destins individuels pour le nœud d’un dessein collectif.

Jean-Christian Fleury

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