LES ARTISTES
FESTIVAL 2025
JEAN-PAUL BROHEZ
Jean-Paul Brohez photographie depuis l’âge de 10 ans, car c’est Saint-Nicolas qui lui offre son premier appareil photo, un Diana 6x6.
Reconnu pour l’approche animiste et généreuse de ses travaux photographiques dans les domaines du reportage, du paysage, du patrimoine et de l’architecture.
Dès 1985, il collabore à Liège avec Homme & Ville, association de chercheurs dans le domaine de l’urbanisme. Son essai Bruissage reçoit le Prix national Photographie Ouverte décerné en 1985 par le Musée de la photographie de Charleroi.
En 1986, il débute une longue collaboration avec Jean-Louis Godefroid et l’espace photographique Contretype, à Bruxelles. Prix des amis de l’Unesco en 1990 pour son reportage Vues de Liège (éd.H&V. Liège).
Il est l’auteur de plusieurs livres publiés aux Éditions Yellow Now (Crisnée) entre 1994 et 2003.
En 1999 sort sa série Couleur locale (DVD) avec une musique originale de Garrett List, une production de la Biennale internationale de la photographie de Liège.
En 2001 est publié L’homme qui tomba des étoiles, sur la re-création des jardins de la Maison d’Erasme, à Anderlecht, texte d’Alexandre Vanautgaerden (Éditions La Lettre volée, Bruxelles).
L’exposition Aplovou, ceux qui sont arrivés avec la pluie produite par Contretype, est présentée en 2006 au Tokyo Metropolitan Museum of Photography.
En 2016 Impressions japonaises, exposition à l’Espace Photographique Contretype, Bruxelles.
En 2019, Exposition et anthologie Photobook Belge FOMU, Antwerpen. En 2020, de visu à la Brasserie Haecht, Liège. Résidence Espace Nord Art Contemporain.
Jean-Paul Brohez déambule dans les plis, aux confins, aux commissures de l’image.
Il fait des photographies en couleurs, presque des coloriages d’instants amoureux.
Il ne s’agit pas ici de faire plaisir au beau, au bonheur, mais plutôt de rendre compte de ce que l’on voit vivre et mourir devant nous ; de ce que l’on voit vivre et mourir en nous.
Les photos de Jean-Paul sont des grands oui à la vie toute nue, des petits drapeaux translucides et vifs plantés sur le dos du convenu et de l’oubli.
Werner Moron
THOMAS CHABLE
Né à Bruxelles (capitale européenne, et son palais du roi). Enfant, la main dans celle de son père, parcourt le Muséum d’Afrique Centrale.
A suivi les cours du photographe Hubert Grooteclaes, à Liège.
Avec Coco, voyagent dès qu’ils le peuvent, pas à vélo, parfois en train.
N’en parle pas, les histoires de voyage, ça barbe.
Pour ne pas avoir voulu y aller, se boit quelques rhums à la Havane.
4 novembre 1999, Salomé est là.
Un peu plus loin, poussé par Jean-Louis Godefroid sort le livre Odeurs d’Afrique, coédition Contretype /La lettre volée.
Quelque part en Palestine, confronté à des réalités, se dit qu’il ne peut pas - ou plus - ne pas voir.
En intermittent de papa et de photographe, se perd du côté des Brûleurs, sur la piste qui relie le Niger au nord du Maroc. - Brûleurs : nom donné aux personnes qui clandestinement veulent, de l’Afrique du nord, rejoindre l’Europe. Un livre est publié aux éditions Yellow Now en 2006.
Attiré par la lumière un jour de 2004, se tourne vers
« Le Réverbère ».
Depuis 2006, arpente l’Éthiopie et le site de Lucy.
Et pour le reste on verra
AU-DESSUS DES NUAGES,
Au-dessus des nuages, l'intitulé de cette exposition, annonce d’emblée l’état d’esprit de Thomas Chable lorsqu’il prend la route pour un ailleurs bien plus ailleurs que ceux vantés par les marchands de voyages. Il nous dit sa quête de ce qu’on pourrait appeler le voyage absolu, c’est-à-dire le voyage vers ce que l’on ne connaît pas, hors de toute nécessité, hors de tout préjugé, le voyage intime et initiatique tel que le concevait Nicolas Bouvier dans L’usage du monde: «Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait ou vous défait.».
L’entrée en matière de ce périple au-des-sus des nuages se fait par la photographie d’une jeune femme prise à contrejour dans l’embrasure d’une porte. Sa silhouette gracile est mangée par la lumière d’un après-midi en Éthiopie, de cette lumière qui invite à sortir et à voir, en accord avec le photographe lorsqu'il dit :
« L’ailleurs, c’est ouvrir les yeux. »
ALEXANDRE CHRISTIAENS
Alexandre Christiaens vit et travaille à Dave, Namur. Il a de nombreux voyages photographiques à son actif, sur mer comme sur terre et a dirigé de multiples ateliers photographiques. Son travail a été montré dans des expositions individuelles et collectives, en Belgique et à l’étranger.
Ses photographies sont reprises dans plusieurs collections publiques et privées comme le Service général du patrimoine culturel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Casaespacio, FIFV Valparaiso. Cl, SACO Antofagasta. Cl, le Centre régional de la photographie Nord Pas-de-Calais, (F), le Musée de la Photographie de Charleroi, (B), la Bibliothèque Nationale Richelieu de Paris, (F), le Centre Culturel de Hasselt, (B), la Space Collection, In Cité Mondi Liège, (B)… Plusieurs ouvrages individuels ou collectifs ont déjà paru : Valparaiso, FIFV ediciones, Photobook Belge 1854 – now, Fomu, Musée de la Photographie d’Anvers & Éditions Hannibal, 2019 – La neige bientôt, JPB Éditions #8 –Hunter Grill, Origini edizioni Livorno maggio, 2017 – Estonia, avec un texte de Carl Havelange, Les Impressions Nouvelles, 2016 – Eaux vives, peaux mortes, Éditions Yellow Now, 2012 – En Mer. Voyages photographiques, Éditions Chasse-marée & Glénat, 2008 – Grotesques. Concrétions et paysages, les Brasseurs / Éditions Parallèle, 2007 – Réseau cristallin, édité et conçu par Alexandre Christiaens, avec un texte d’Eugène Savitzkaya.
Où que je me trouve, mon travail photographique et vidéographique sont l’extension formelle de mon expérience d’être au monde. Je ne prétends pas restituer dans mes images un « ailleurs » – hypothétique, lointain, exotique. Mes voyages sont des socles sur lesquels j’articule ma lecture singulière du monde arpenté, éprouvé, regardé, vécu, ressenti.
C’est dans la rencontre inattendue et chaque fois renouvelée avec le paysage, le sauvage, le minéral, le végétal, l’océanique et l’humain que mes voyages photographiques puisent leur sens. Mon désir est de me plonger encore au cœur des liens que tissent et retissent entre elles toutes les formes du vivant dans la nature – car elles nous invitent à considérer d’un autre œil toutes les formes d’humanité en nous. Dans la représentation figurative de la vague – sombre puissance de la matière vivante et jaillissante – c’est le mouvement originel de toute vie qui se soulève, et nous emporte.
OLIVIER CORNIL
Esthétique sans prétention « plasticienne », artisanale et lente, formidablement perméable à l’humain comme à la poésie du détail, son approche photographique se complète souvent de textes, de documents…
Olivier Cornil, professeur à l’ESA Saint-Luc Liège, travaille un peu partout en Belgique et parfois ailleurs, ce qui a été régulièrement le cas lors des tournées du groupe Girls in Hawaii dont il fut longtemps « membre visuel » à part entière.
Diplômé de l’ESA « Le Septante-cinq » à Bruxelles, il a exposé et publié, depuis lors, maints travaux mêlant souvent photographies et notes, à mi-chemin entre l’autobiographie pudique et une approche généreuse et sensible du documentaire. S’il a pas mal voyagé du temps où
il était membre des Girls in Hawaii, c’est surtout par des missions ou des expositions en Belgique que son travail s’est fait reconnaître : biennale du Condroz en 2013, Mons 2015, Fluide biennale d’art contemporain à Thuin en 2015 et commande d’architecture pour la CFWB dans la même région, « Propositions d’artistes » chez Contretype, à Bruxelles, en 2012.
Il a publié de nombreux livres d’artiste et une monographie, Homeland / Vladivostok, chez Yellow Now, en 2013.
Son dernier livre, Dans mon jardin les fleurs dansent, est paru aux éditions du Caïd en 2019 à l’occasion de son exposition au Musée de la Photographie de Charleroi.
LE SILENCE SOURD
Qu’il est grand, fort et multiple ce silence qui sourd de mes racines. Insupportable, à force.
Les comportements inadéquats.
Les pen sées héritées, adoptées sans être révisées. Les vieilles mafias. Le tout chevillé à mes gènes. L’omerta.
Dont je tente de me dépêtrer.
Ce sont les secrets qu’on ferait mieux de ne pas garder.
Les tas de poussière sous les tapis.
Le deuil impossible et les autres subis. Les tristesses qui s’incrustent au fil des ans, qui sans attention pourraient devenir dépressions.
Comment continuer à construire, espérer, parier ?
Aujourd’hui, ici ?
Manger les gestes, bouffer les rires, admirer la jeunesse.
Les miens.
Et la beauté, alentour.
CHARLINE DE RESVE
Études supérieures de photographie, ESA Saint-Luc, Liège.(2017) et secondaires à l’ IATA, Namur (2014)
2024
• couverture du livre « Sofia » d’Olivier Duculot
• « L’inaccessible plénitude » / l’Inventaire à Liège 2023
• exposition à La Linière / bar à manger - Liège 2022
• collaboration sur le livre de poésie « Tisons » d’Isabelle Panier
• Chambre avec vues - Parcours d’artistes à Namur
• « Régression, sublimation » à l’Inventaire à Liège 2021
• « Les éphémérides » à la galerie l’Inventaire à Liège
• « Artiste ou modèle » à la galerie du Beffroi de Namur
2018
• Dédale - Parcours des arts contemporains en milieu urbain
• « UNXPOSED » Centre culturel de Huy
Le travail de Charline de Resve, au départ de beaux autoportraits plus ou moins dénudés à l’intérieur de son studio, prend aujourd’hui de l’allure et pose, plus ou moins consciemment, la question de la viabilité de la planète terre.
Elle, de l’éveil d’une douce Vénus quelque peu inquiète, participe aujourd’hui à la vie d’une petite communauté rurale qui s’articule autour d’une espèce de jardin d’Eden, d’une maraîchère, d’enfants, de son compagnon et des voisins, d’animaux domestiques, des légumes, des bois,
des prairies, de l’eau, de la terre, et en propose une vision qui mêle l’inquiétude et la fragilité, la tension et l’abandon, l’érotisme et l’innocence, les forces de vie et les rappels de la mort, les puissances telluriques, les forces vitales et le magma. Le tout dans la peau d’une jeune femme plus tout à fait dans l’enfance, mais
peu enclin à entrer dans le rôle d’une
« madame » qu’elle ne sera peut-être jamais d’ailleurs. Car cet Eden charmeur est pétri de mélancolie, comme si le bonheur n’était qu’une région étrangère dont on a pas la clé.
Alain Janssens
LARA GASPAROTTO
Est diplômée de l’École Supérieure des Arts Saint-Luc (Liège). Elle vit et travaille à Liège (Belgique). Son travail a été exposé à de nombreuses reprises en Belgique et à l’étranger, notamment à la Biennale de la Photographie de Liège, au Bonnefantenmuseum
(Maastricht), au Guandong Museum of Arts
(Guangzhou), au 3 Shadows Arts Center (Beijing), l’OCT Arts Center (Shenzhen), le FotoMuseum
Den Haag, le Botanique (Bruxelles), les Rencontres Photographiques de Gaspésie au Canada (Québec), la Biennale de la Photographie de Guyane (Cayenne), le Centre Wallonie-Bruxelles à Paris…
Elle a publié cinq monographies et travaille également comme commissaire d’exposition. Elle a également réalisé des vidéos et des peintures. Elle
a reçu le Prix de la Création à Liège en 2020 et le Unseen talent award en 2016 à Amsterdam. Depuis 2019, elle travaille également sur le projet African Vox, mis en place avec la muséologue Basika Paola.
La dépense, la perte, l’oubli, l’inversion. C’est d’abord ça. Les brumes des lendemains de voyage ou de fête. Mais au fil des images quelque chose d’autre se dessine. Des questions pointent. Qui prend soin de nous ? Quels sont les gestes, les matières ou les ombres qui nous protègent ? Comme à la recherche d’une nouvelle éthique, avec ses propres moyens, son appareil, ses craies, ses feuilles, ses calques, Lara trace des voies, des lignes, fait des choix. Dans les plis des draps, les épis de blé, les rideaux de pluie. La nature dans toutes ses formes. Peau, poil, pierre. Lara joue avec la frontière, mêle l’humain à son Autre, fait voir le soin qui s’esquisse de part en part. Loin des injonctions, des leçons, elle raconte. Elle dessine, elle surligne les liens invisibles qui se tissent d’un bout à l’autre de nos mondes. À la craie, sur les visages, les bras de ceux qu’elle aime, elle rajoute des ombres d’arbres qui n’existeront bientôt plus, des lumières de soleils qui ne rayonnent peut-être pas encore. Elle crée des échos, elle nous parle de nous, de nos mondes qui disparaissent, mais aussi de la possibilité d’en créer des nouveaux. Et surtout de la beauté qui vit ou survit au milieu des décombres.
Eva Mancuso
BRIGITTE GRIGNET
Photographe qui s’adonne à une approche documentaire basée avant tout sur la relation personnelle et l’émotion. Après des études commerciales, elle se tourne vers la photographie. Elle étudie alors avec Joan Liftin et Mary Ellen Mark à l’International Center of Photography à New York, où elle a vécu pendant 15 ans.
Elle a travaillé régulièrement depuis 2002 en Amérique latine, où elle s’attache à enregistrer des modes de vie traditionnels sur le point de disparaître, avec ses structures sociales et ses coutumes séculaires. Ces dernières années, elle a développé des projets en Pologne et au Mexique.
Son travail a été récompensé par différents prix : Aaron Siskind Foundation Grant, Prix de la Ministre de la Culture (Musée de la Photographie à Charleroi), Bourse Marty Forscher for Emerging Photographer, Washington Post Open Call, Magnum Emergency Fund Grant.
Brigitte Grignet a collaboré avec Action Against Hunger au Guatemala, en Colombie et en Palestine. Elle raconte les histoires de personnes ordinaires et leur volonté indomptable de survivre des situations difficiles, leur quête continuelle afin de construire et vivre une vie digne et pleine de grâce.
Elle développe également son travail dans le cadre de résidences d’artistes, telles que CaSa (Oaxaca, Mexique), le FIFV Valparaíso (Chili), Isola Comacina (Italie), Atelier de visu (Marseille, France) et la Villa Pérochon (Niort, France).
Ses images ont été publiées et exposées internationalement, et font partie entre autres des collections du Kyosato Museum of Photography, du Musée de la Photographie à Charleroi, du Portland Art Museum, du Cleveland Museum of Art, du Center for Creative Photography à Tucson.
Elle est représentée par L’Agence VU’.
C’est une suspension dans le désastre des jours.
Un moment de respiration, une ouverture, une contre-allée.
On embarque pour un voyage sur Terre et dans les limbes, ici et là-bas, entre réalité et onirisme.
Des halos de lumière, une aura nimbant les paysages, tout est de l’ordre d’une présence pleine et mystérieuse.
Délicatesse, tendresse, humanité.
Enigme, secret, pudeur.
Le peau-à-peau est ici plus important que les mots.
Chez Brigitte Grignet, on communique par les regards, par la vibration de l’air, par la course des corps dans la solitude des espaces.
Il y a en ces images quelque chose de l’ordre d’une prière muette, mais aussi d’une profonde humilité face à ce qui est, si puissant, si beau.
La photographe ne s’intéresse pas à ce qui avilit – tant le font –, mais à ce qui rapproche, à ce qui unit, à ce qui permet la fraternité.
Cocasserie de l’existence, vie populaire sans bassesse, richesse du vivant dans son ensemble.
Brigitte Grignet aime la vie dans son rire, dans sa fantaisie, dans son énergie.
Sensation d’une famille humaine incluant les animaux, les vieillards et les fous.
On pourrait être parfois chez Edouard Boubat ou Sabine Weiss, mais aussi avec les maîtres du réalisme magique sud-américain.
On est tout simplement chez Brigitte Grignet, qui donne envie de quitter à notre tour les anciens parapets et les ordres gouvernementaux, afin de continuer à chercher les traces de la vie vivante.
Le monde est neuf.
Fabien Ribery (extrait)
PHILIPPE HERBET
Philippe Herbet est un photographe de la rue, de l’errance, de la rencontre et du merveilleux qui se dégage du quotidien. Très attiré par l’Orient et les fantômes, il mêle ses propres écrits à ses images.
Ses photographies ont fait l’objet d’expositions en Belgique (Contretype, Musée de la photographie à Charleroi, galerie Jacques Cerami), en France (Camera Obscura à Paris, Le Réverbère à Lyon), au Brésil (MUBE, Sao Paulo), à Istanbul, au Centre culturel Mendi Zolan à Hendaye et ailleurs. En outre il a participé à plusieurs résidences d’artiste : Nekatoenea à Hendaye, Contretype à Bruxelles, au Château de Thozée pour la Fondation Félicien Rops, au phare de l’île Wrac’h en Bretagne.
Il a publié 9 monographies mêlant ses photographies et ses textes parmi lesquelles Les Filles de Tourgueniev aux éditions Bessard à Paris, Herbet – Dadas aux éditons du Caïd.
Il est également écrivain, son premier roman autobiographique Fils de prolétaire a été publié par les éditions Arléa à Paris en 2022 et, en 2023,
Le Sable Le Vent, un récit avec Serge Delaive.
Il est représenté par la galerie Jacques Cerami en Belgique.
ALBERT DADAS
La France et l’Europe de la fin du XIXe siècle est obsédée par la question du vagabondage, par les sans-papiers qui errent d’une ville à l’autre. La fugue devient un trouble médical avec un diagnostic précis. Albert Dadas (1860–1907) est l’une des premières personnes atteintes d’automatisme ambulatoire, aussi nommée dromomanie. Son médecin, le docteur Philippe Tissier va poser le diagnostic de sa folie dans sa thèse intitulée « les aliénés voyageurs ».
Albert Dadas, un modeste employé du gaz à Bordeaux, va faire des fugues qui dureront de plusieurs jours à plusieurs années, en perdant à la fois ses papiers et son identité, mais jamais sa pulsion de partir, de marcher, de découvrir. Certains prétendront qu’il est un simulateur.
Je me suis attaché à ce personnage, nous avons des points communs : la fugue, un traumatisme crânien, une mémoire défaillante, de grands maux de tête, nous pleurons vite, des poussées mélancoliques, le goût du voyage et des grands espaces, l’errance à tout prix, l’attirance pour le nord-est, le sens de la propreté vestimentaire, un rapport spécifique à Liège, le besoin irrésistible d’aller dans une ville dont le nom nous plaît, etc.
Aussi, j’ai éprouvé très vite la nécessité de réaliser un projet lié à sa grande fugue de 1880/1882. Elle le mènera de Valenciennes à Moscou en passant par Liège, Cologne, Kassel, Linz, Vienne, Prague, Berlin, Varsovie, Minsk. À Moscou, il est soupçonné d’être un anarchiste et emprisonné avant d’être expulsé de Russie avec d’autres prisonniers. Il se déplace ensuite à Istanbul avant de filer à Vienne, Munich, Strasbourg pour arriver en Suisse. Épuisé, il se rend à Bâle où il se constitue prisonnier auprès du consulat de France. À Lille, il sera condamné à trois ans de travaux publics pour désertion avec effets et armes. « Je suis parti parce que mes camarades me faisaient trop de misères », avait-il déclaré lors de son interrogatoire (combien de fois n’ai-je pas eu cette idée les dimanches soirs lors de mes années au collège et, ensuite, lors de mon service militaire et encore plus tard lorsque j’ai eu un travail régulier pendant onze années, fuguant parfois, m'inventant des maladies). J’ajoute que j’aime l’idée de refaire le parcours d’un homme modeste.
Dans ce projet qui suit l’itinéraire de la grande fugue de 1880/1882, je m’identifie à Albert Dadas. Je suis son fantôme et il est le mien, je suis dans le cadre, à la fois son acteur et le mien. Grâce à des temps de pause longs, de 30 secondes à plusieurs minutes, je capte des moments où la durée s’inscrit sur les pixels du capteur. À travers des mises en scène, nous nous incarnons donc, lui et moi, dans un hors temps universel. Des autoportraits, mais pas au sens strict, ce n’est à la fois ni moi ni lui. Ce sont nos apparitions ou nos disparitions.
ALAIN JANSSENS
Est photographe. Il vit à Liège.
Il a été professeur de photographie à l’ESA St Luc à Liège entre 1985 et 2017.
Tant son travail de commande que son regard d’auteur sont portés par l’attention à la lumière et à l’apparition du présent.
Il a publié La gare blanche (2010) - Vision n° 7, Ciné Sauvenière (2009) - Charles Dumont, l’esprit d’un architecte (2005) - Temps brassé (2005) - Nulle part et partout (2014) - Du côté de chez Dhôtel (2020) avec J. M. Lecomte, et La Meuse, rives et récits (2024) avec Yves Leresche, J. M. Lecomte et Gilles Grandpierre.
En 2010, avec Daniela Corradini, il fonde l’atelier graphique et photographique « Double page ».
Des expositions en Belgique et à l’étranger jalonnent une vie dédiée à la photographie. Entre autres, au Mai de la photographie à Reims (1992), au musée de la photographie de Charleroi (de 1987 à 1993), en collaboration régulière avec l’espace Contretype de JL Godefroid à Bruxelles (de 1995 à 2014), à la galerie Triangle bleu à Stavelot (de 2003 à 2019), etc.
En 2022, il a participé à une résidence à Sedan qui a débouché, dans le cadre d’Urbi&Orbi, sur l’exposition et le livre, Sedan regards sur la ville
(2023)
LE FÉMININ DES CHOSES
« Les choses à venir viennent dans les intervalles ». Cette affirmation d’Alain Janssens, l’épeire qui tisse sa toile et puis s’immobilise, petit joyau tranquille attendant son heure, l’illustre à merveille. Le vide, les interstices, l’air qui circule entre les fils nous attirent. Captifs d’un piège qui n’est fragile qu’en apparence, nous voilà contraints à la patience dans une époque qui en manque singulièrement. La galerie Détour, la bien-nommée, accueille cette architecture méditée au fil de décennies de travail. Si le motif en est familier - le proche, l’intime -, ses variations surprennent par leur pouvoir d’éveil. Un pouvoir qui n’exclut ni l’ombre ni la fugacité de la lumière. Notre propre fugacité en somme, mais travaillée, sculptée, à l’image de ces feuillages à ce point ciselés qu’ils transfigurent une banale chaise en plastique en métaphore de l’abandon ou, à l’inverse, de la confiance : quelqu’un viendra. Ce corps de l’attente, un visage de femme, un fragment de forêt, l’angle d’un toit, la fatigue d’un cheval, l’éclat d’une porcelaine, les aspérités d’un outil nous le confient aussi bien, avec leur poids de mystère. Mystère qui n’advient qu’au prix d’une subtile mise à distance. Dans un monde qui ne cesse de répandre ses émois contradictoires, ce retrait ouvre un espace où l’imaginaire s’anime tel un rideau de voile. Le regard de cette femme, y lira-t-on la crainte ou la tendresse, la tension ou la paix, la distraction ou le trouble ? Et ces mains : sont-elles jeunes ou déjà marquées par la mort ? Quel est en vérité l’âge de ces photographies, aussi intemporelles que les peintures des vieux maîtres ? On croit souvent que l’art contemporain ne peut exister sans mise en scène du pire, mais les époques anciennes étaient aussi violentes et malades que la nôtre. Que le sujet abordé soit paisible ou cruel, les œuvres qui durent sont celles qui prennent le risque de la sobriété, des intervalles de silence. Voilà pourquoi le poème, ce concentré d’images, est l’art de l’avenir. Il y a là une lucidité et une vocation à faire lien qui restaure en nous une ressource terriblement menacée : l’attention. Que nous soyons animal ou brindille, vivant ou mort, caillou ou vague, tout commence par l’attention, debout à notre chevet. C’est elle qui nous console. Elle qui lance le palabre, ce mot qui existe plus souvent au féminin, le genre ici préféré induisant une musique qui légèrement dissone et par là nous éveille. Ce masculin- là n’est autre que le contrepoint du féminin des choses, c’est-à-dire de tout ce qui échappe au discours et dont cependant nous parlons sans relâche, en boucles et en redites, autour du feu ardent de l’art.
Caroline Lamarche
Présentation de l’exposition « Le palabre des choses », 2022, Galerie Détour, Namur
CÉLINE LECOMTE
Céline Lecomte est une photographe française habitant les Ardennes. Formée en gestion de l’environnement, elle est animée par l’envie de documenter les territoires où elle chemine. Sa réflexion porte sur l’accès aux mondes sauvages, notamment sur les relations de l’humain à la nature et la complexité des enjeux qui en découlent.
Son travail est exposé à Arles en 2023 (Agence VU’), lors de la Nuit blanche de Charleville-Mézières en 2016 et au Musée de l’Ardenne en 2017. Elle est co-auteure des livres Paysages du vent (2017) et Yeu nature et esprit d’une île (2016), tous deux aux éditions Noires Terres. Céline Lecomte a participé régulièrement au projet Mémoire Vive ; une résidence initiée en 1999 dans le village de Chooz (2006, 2009, 2011, 2013).
En 2017, elle a été résidente à la Fileuse de Reims et a participé à un projet collectif à bord du Grillo Bus en parallèle de l’Encuentro Fotografico de Mexico. En 2023 elle est lauréate du prix VU’ EDUCATION pour Avril ou les forêts Potemkine et finaliste de la bourse Transverse (Freelens - ADAGP).
Commissaire d’exposition du festival Urbi & Orbi de 2015 à 2021, elle dispense également depuis 2013 des ateliers de médiation auprès de publics variés.
ÉDENS
Cette série de photographies se focalise sur la façon dont la nature est représentée aujourd’hui dans les lieux occupés par les humains. Elle se concentre sur les décors et artifices qui constituent les
« jardins d’Édens » modernes : plantes et animaux en plastique, arbres contraints et taillés selon les besoins, faux rochers, gazons synthétiques, trompe l’œil... La nature artificielle semble envahir l’espace et les imaginaires. Ainsi idéalisée, elle cristallise le lien paradoxal, absurde et parfois même touchant que chacun tente d’entretenir avec elle.
Jardin d’Éden, Âge d’or, Champs-Élysées, Arcadie… Dans les représentations les plus anciennes, le jardin ou le Paradis est associé à une félicité perdue que les hommes aspirent à regagner. La série Édens aborde les liens que les humains tissent (et ne tissent pas) avec le vivant. Elle revisite la quête humaine ancestrale de l’accès au paradis perdu à l’aune de la sixième extinction de masse.
MATTHIEU LITT
À travers la photographie, Matthieu Litt ne cesse d’interroger notre rapport au monde. Dès ses premières séries, il explore les interactions entre l’humain et le paysage, puis avec le temps, ses recherches s’ouvrent plus largement au spectre du vivant. L’objectif photographique devient alors le moyen pour l’auteur d’observer la trame complexe des liens qui se tissent entre les êtres. Convaincu du pouvoir reconstructeur de son médium,
il cherche avec lui à restaurer le lien fracturé entre l’humain et son environnement.
En empruntant cette voie, Matthieu Litt s’affranchit petit à petit d’une dimension documentaire, au profit d’une perspective résolument poétique.
Aussi, c’est à travers leurs traitements éminemment plastiques que ses travaux rendent compte de la fragilité de nos écosystèmes et des désastres à venir.
L’indétermination dans laquelle baignent ses sujets est toute volontaire car le photographe en trouble délibérément les contours spatio-temporels. Il est en effet davantage animé par la restitution d’une expérience esthétique, que d’une réalité palpable. Ainsi, le photographe inscrit les différents territoires qu’il explore dans une cartographie sensible et poétique. Et ce faisant, il s’emploie jour après jour à renouveler notre manière d’appartenir au monde.
Ses récentes expositions incluent :
Sunrise, sunset à la galerie Bonnemaison - Liège,
Oasis au Musée d'art contemporain en plein-air du Sart-Tilman,
Melting Islands à Hangar Art Center, Bruxelles,
Horizons 1939-2024, Premières et dernières acquisitions de la Collection de la Province de Liège, Musée de la Vie Wallonne - Liège.
Son troisième livre Oasis est à paraître en 2025 aux éditions du Caïd.
Il est représenté par Hangar Gallery à Bruxelles.
Terra Nullius
L'univers arctique, notre terre vierge primaire, à la fois inhospitalière et sauvage, s'est mutée en l'Eldorado du futur. Cette série illustre une région jusqu'à sa chute, en tentant de nous rapprocher de l'essence de la capture d'images, de la mémorialisation et de notre nostalgie du passé immédiat. Le paysage décrit est si grandiose que tenter de le cadrer en une seule image semble continuellement hors de portée.
Ces photographies hyperréelles défient presque la réalité, faisant allusion à notre sens du réel et du virtuel et à notre obsession de nous focaliser sur d'autres planètes — tout en négligeant ce que nous avons à portée de main sur terre. Notre vision idyllique du Grand Nord aura bientôt disparu, les changements dans notre environnement apportant simultanément leur lot d'opportunités et de pertes. La photographie, bien qu'elle ait, depuis son instauration, une relation conflictuelle avec la vérité, possède toujours une certaine capacité à rendre visible même auprès des ignorants.
Elle stimule en particulier un schéma d'acceptation et de compréhension de la perte — à la nature de son essence.
La transformation et la perte sont à la base de ce travail, construit sur la multitude de couches accumulées au fil des siècles et des millénaires, qui peu à peu se réduisent à néant. Dans cette série, passé et futur se confondent dans la même image — l'absence de glace, autant que la présence d'épaisses couches glaciaires résistant obstinément à la disparition s'opposent. Les négatifs photographiques sont sur et sous-exposés dans un geste mimétique des forces naturelles transformant l'Arctique, comme la pluie remplace la neige et comme le matériel devient immatériel.
DANIEL MICHIELS
EXPO PERSO
1986 Zomer van de Fotographie Anvers,
1988 Festival OFF Arles,
1994 Mission Transmanche sur la Thiérache 2001 Ardenne restante, Contretype Bruxelles, 2003 Rétrospective centre régional de la photographie Douchy les Mines France. 2006 Ardenne restante Théâtre de la Passerelle Gap, 2021 Box Galerie à Bruxelles
PRIX
1986 Prix de la fondation Jules et Marie Destrée, 2016 Godefroid de la culture du Luxembourg. LIVRES
Transmanche 18 / Thièrache (edt. CRP) Ardennes restantes (edt la lettre volée)
Où en sommes-nous ? (edt l’orangerie asbl)
RÉSIDENCES
2012, Résidence à Saint-Pierre-Ville Ardèche avec Bernard Plossu, Sam Schots et Marcello Fuentes
2021, Résidence au Jardin du Lautaret
Quand je pense à tes photos, je n’imagine pas un œil inquisiteur, un moment choisi, une perspective dramatique, des panoramas, des gros plans surprenants, des symboles, non, j’ imagine des coins. Chaque photo donne à voir un coin protégeant ce qui a fini par venir s’ y nicher.
Le coin est normalement caché. Toi seul connais le chemin qui y mène. Ce qui s’y niche, peut-être un adolescent, une plante, un arbre en hiver…
Tes photos – il me semble – sont prises, non pas pour montrer ou cacher, mais plutôt, pour protéger ce qui peut l’être dans ce monde sans merci depuis vingt ans par un vent de repli et d’ indifférence.
John Berger
LUCIA RADOCHONSKA
En 1958 arrive en Belgique à Retinne,village où vivent de nombreux immigrés
1972 diplômée en photographie à l’institut des
Beaux-Arts,St Luc, à Liège
En 1974, épouse le photographe J-L Vanesch. 1973 Galerie de la Bibliothèque Nationale, Paris,
”Jeunes photographes Internationaux” 1974 Museum of Fine Arts,Boston,USA
1975 Galerie Colombo, Milan
1976 Galerie Spectrum, Bruxelles
(exposition personnelle)
1982 Galerie Pennings, Eindhoven,Pays Bas
(exposition personnelle) 1986 Galerie JP Lambert, Paris
(exposition personnelle)
1986 Galerie XYZ Gand, avec G. Tavano,
M. Marangoni
1991 Centre Culturel de Hasselt
“À travers Carole”
1992 Yokohama, Japon, exposition personnelle ”Rêves en plein jour”
1992 Galerie JP Lambert Paris, ”Le ciel et la
terre” (exposition personnelle)
2002 Galerie Contretype, Bruxelles (exposition personnelle)”Pays-sages”, Espace Contretype,
Bruxelles 2004 ”Pays-sages”, Palais Abbatial de St Hubert
2005 ”Pays-sages”, Poznan (Pologne)”Et le bonheur ?” Centre Culturel de Marchin
2011 Espace Photographique Contretype,
Bruxelles, "Miroirs de l’Intime"
2016 galerie ‘T Zien, Mechelen mars/avril (exposition personnelle)
2018 galerie Flux, Liège (exposition personnelle) 2019 ”En Piste” La Boverie,Liège
Le Grenier, Esneux (exposition personnelle) 2020 "Juste là !", Centre d’Art Léon Stern,
Verviers avec Jean-Louis Vanesch et Alain Janssens
Expose dans la salle consacrée aux femmes au MOMA de New-York depuis quelques années...
Beaucoup de photographes parcourent le monde pour y cueillir des instants magiques, mon espace à moi est tout petit mais je parcours le temps. Ce temps qui m’apporte quelquefois les scintillements de la vie.
Mon plus grand plaisir à la prise de vue est d’apprivoiser les choses, d’entrer dans leur intimité, que ce soit une poule, un cheval, un fruit ou une goutte d’eau... puis j’attends en quelque sorte leur consentement avant de déclencher.
Vient alors le plaisir lié à l’expérience technique de la photographie elle-même : le cadrage, la composition, le choix des lumières, le jeu entre le net et le flou...
Il y a aussi un troisième plaisir (et quelque fois une souffrance...) tout aussi important qui permet de révéler les deux premiers, c’est le travail du tirage en laboratoire.
À ce moment-là, par l’intermédiaire des contrastes, des valeurs (blanc, noir, gris) et de leurs nuances, j’essaye de faire revivre mes émotions premières.
JEAN-LOUIS VANESCH
1983 Galerie Sogno di Carta, Liège 1986 Galerie Le Réverbère, Lyon [F] 1987 Galerie J-P Lambert, Paris [F] 1988 Galerie Pennings, Eindhoven [PB]
Galerie XYZ, Gent
1990 Maison de la Culture d’Amiens [F] : “Le Végétal” - Musée de la Photographie,
Antwerpen :“Berichtingen over het ik en het samen leving”
1991 Centre Culturel de Hasselt
1992 Galerie Arte Coppo, Verviers
1993 Musée de la Photographie, Charleroi :
“Le Noir est Blanc”
1994 Galerie J-P Lambert, Paris [F] Espace
Photographique Contretype, Bruxelles 1996/97 “Hors Série” [comissaire J-L Godefroid]
Bratislava [Slovaquie], Sofia [Bulgarie], Szeged [Hongrie], Salamanca [Espagne], Kinshasa [Congo], Prague [Tchéquie]
1998 Galerie Palazzolo, Syracuse
2002 Musée d’Art Moderne, Liège : commande sur le thème de la disparition
Espace Photographique Contretype, Bruxelles : “Pays-sages”
2003 Centre for Contemporary Art
“Ujazdowski”, Varsovie [Pologne] :
“La Disparition”Le Botanique, Bruxelles : “Abstractions”
2004 “Chemin de Roche” : commande sur Rimbaud, Roche [F]
Délégation Wallonie-Bruxelles, Prague [Tchéquie] : “Pays-sages”
2007 Espace Photographique Contretype, Bruxelles, “Le jardin des résistances”, [exposition collective]
De Markten, Bruxelles, “Cf. (Natuur, Nature)”, [exposition collective]
2011 Espace Photographique Contretype,
Bruxelles, "Miroirs de l’Intime"
“Junctions”, BOZAR, Bruxelles, en collaboration avec le Fotomuseum d’Antwerpen
2014 “Bouteilles à la mer”, Cultuurcentrum, Hasselt
2015 “Philippe Jaccottet, une transaction secrète”, avec Alain Janssens, Librairie Quartiers Latins, Bruxelles
(RE)VIEW- Centre Culturel De Hasselt (curator : René Gélédé)
2016 “Troubled Water”, Baltic Comtempory
Art Biennal, Szczecin (Poland)
2020 "Juste là !", Centre d’Art Léon Stern, Verviers avec Alain Janssens et Lucia Radochonska
J’ai tendance à ne plus m’intéresser qu’à la lumière, au moment où le monde semble s’ouvrir quand elle apparaît.
Mes photos ne se sont pas éclaircies... je ne veux garder que la lumière, et elle se manifeste mieux sur un fond noir... et sur des grains d’argent, plutôt que sur des pixels...
Mes lieux de prédilection restent le jardin et les environs...
La lumière étant partout, l’important est moins de courir au loin que d’être attentif, disponible...
Il y aussi cette idée de travailler avec quelque chose de gratuit, que tout le monde peut voir...
Les choses sont souvent pour moi des feuilles (parfois tombées, blessées),
des herbes, ou des objets abandonnés, à l’utilisation incertaine... des traces négligées...
Il n’y a pas de message dans tout cela, simplement une manière d’accepter le monde (en tout cas d’essayer...), d’y sourire aux petites choses...
MARC WENDELSKI
Marc Wendelski s’est orienté vers la photographie dès la fin de ses études secondaires à l’Académie des Beaux-Arts de Verviers puis obtient un graduat en photographie de l’institut Saint-Luc à Liège. Depuis lors, il partage
son temps entre sa propre création, l’enseignement et un travail de diffusion et de prospection au service des autres photographes. Particulièrement impliqué dans la Biennale de l’Image Possible à Liège, il coordonne aussi depuis 2011 la Galerie satellite et réalise régulièrement des missions ou des commandes photographiques principalement dans les domaines de l’architecture
et du patrimoine. Dès 2005 son travail personnel a régulièrement été exposé en Belgique ou à l’étranger
(Festival Circulations, Paris – Biennale Photographie et Architecture de La Cambre, Bruxelles – Diffusion Festival, Cardiff – La Centrale for contemporary art, Bruxelles...) En 2008, son premier livre, « nage libre », est publié aux éditions Yellow now et une exposition lui est consacrée la même année au Musée de la Photographie à Charleroi. Sa série « DUST » est récompensée en 2011 par le prix Paule Pia et exposée au Fotomuseum à Anvers. De plus en plus impliqué dans une démarche documentaire et engagée, son projet « Beyond the forest » reçoit le prix des arts plastiques de la Ville de Liège en 2013 et fait l’objet d’une exposition au centre d’Art contemporain les Brasseurs puis à l’espace photographique Contretype
à Bruxelles. Plus récemment, il a réalisé les séries « Ici s’abîme L’horizon » et « Noir Eden », toutes deux présentées en 2024 au Musée en plein air du Sart-Tilman.
Marc Wendelski vit et travaille à Liège.
DUST
Sous nos pas le sol gronde et se fissure, et on ne sait plus si c’est une montagne ou un volcan qu’on gravit, si c’est de la neige ou de la cendre qui retombe et se pose sur nos paupières, ni si le sommet tiendra, malgré tout, ses promesses.
Fumée noire : encore un bip, une notif’, et mon regard quitte l’horizon. Des glaciers pleurent pour rejoindre une mer en colère, l’Europe remplace les étoiles par des barbelés, une espèce vient de s’éteindre, une de plus. Fumée blanche, soldes monstre, mensonges enivrants, coach personnel, plan social, milliardaires en orbite, épuisement total. Des nuées de solitudes poursuivent le printemps en avion, sourire forcé, compagnon virtuel, écran total. Je résiste et j’enregistre pour plus tard...
Une affiche publicitaire dissidente montre son dos bleu et se marie au ciel d’été. Souvenirs d’une éclipse, éclats de civilisation, je m’accroche aux derniers rayons, à la lumière à travers la suie, à tout ce qui nous a précédé et à tout ce qui nous suivra. Aux cimes et aux floraisons, aux torrents et aux brumes, aux envols
et aux respirations. Je vois dans l’ombre, des enfants grimpeurs matraquant leurs espoirs au travers d’un gueulophone fracassé, jouant leur futur dans la boue des saccages, balbutiant les nouveaux mythes dans des langues amoureuses. J’ai bon espoir et j’enregistre pour maintenant.
Dust, c’est l’ambivalence de notre époque, les contradictions dans lesquelles on patauge et la nécessité d’imaginer, malgré tout, au cœur même de nos incertitudes.